La fermeture résidentielle: Recompositions urbaines, pratiques et représentations.

Ce blog a pour finalité de présenter mes travaux de recherche et leur avancement au fil des trois années de thèse au sein du laboratoire ART-Dév de l'Université Montpellier III.

Cassandre DEWINTRE, Monitrice allocataire MENRT, Université Montpellier III

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Mémoire de 1ère année de Master ADNT, Cassandre DEWINTRE, UM3, 2008, 200 pages

« Les ensembles résidentiels fermés: Concepts, représentations, espaces vécus et conjoncture montpelliéraine »

Table des matières

PREMIERE PARTIE:

La sécurité comme nouveau grand concept
Introduction
I- De la criminologie à l'urbanisme
A- La prévention situationnelle
1- Définition
2- Les origines: de la criminologie à l'urbanisme
B- L'espace défendable
II- L'agencement sécuritaire à la française
A- Une réponse possible à l'échec français en matière de prévention sociale?
1- Le constat
2- « Sécurisons pour mieux vivre »
3- Les effets sur le terrain
4- L'implication de tous nécessaire pour préserver le cadre de vie
B- Le succès des résidences sécurisées: une nouvelle conception du bâti
1- La ville violente: la clé du succès des ensembles résidentiels fermés
2- Dissémination
III- La fermeture résidentielle : la nouvelle utopie urbaine
A- Une idéologie dominante par la force des représentations
B- Les scénarios d'aménagement
IV- Le poids des représentations : les territorialités nouvelles issues de l'imaginaire
A- Les modèles de villes selon Soja
B- Le « thirdspace » et l'idée de fermeture
V- L'enclosure: créatrice de tensions sociales ?
Conclusion

DEUXIEME PARTIE:

Les résidences sécurisées: offre, demande, conjoncture, état des lieux pour Montpellier
Introduction
I- Contexte général
A- Accroissement démographique et déclic des politiques
B- Un modèle imposé à l'échelle internationale
C- Le poids du sentiment d'insécurité
D- Des clients friands de sécurité pour créer la demande
E- Un commerce florissant pour les promoteurs immobiliers
II- Le principe de mixité sociale apposé au logement: la particularité française
A- Montpellier et l'idée de mixité
B- Une idée forte des politiques d'aménagement
C- Quelles répercussions sur les populations?
III- Essai de typologie: répartition des résidences sécurisées sur Montpellier
A- Méthodologie
B- Les promoteurs recensés
C- Une toponymie bien spécifique
D- L'argument sécuritaire
E- Localisation des ensembles résidentiels fermés: quelles logiques d'installation?
IV- Population /Habitat/Politique : la conjoncture montpelliéraine
A- Une dynamique démographique favorable
B- Un parc locatif en pleine expansion
C- Une fermeture non affichée officiellement par la ville
D- « Quand la ville se ferme ».
V- La sécurité de l'habitat collectif montpelliérain selon l'INSEE
A- Des équipements sécuritaires bien présents dans les ensembles collectifs
B- La sécurité de l'habitat montpelliérain selon les périodes de construction
C- Le parallèle entre sécurité et taille du bâti

Conclusion

TROISIEME PARTIE:

La vie en résidence sécurisée: l'experience du terrain
Introduction
I- Le Mas de Calenda: un îlot résidentiel fermé au nord de Montpellier
A- Présentation de l'ensemble
B- Le statut de la zone de localisation du Mas de Calenda
C- Une offre diversifiée d'équipements et de services de proximité
D- Les ensembles résidentiels sociaux
E- Le parc résidentiel privé
1-L'ensemble résidentiel privé au sud du Mas de Calenda: regroupement des classes moyennes?
2- L'ensemble résidentiel au nord du Mas de Calenda: lofts et lotissements sécurisés, la rue comme frontière sociale
II- Les portes du soleil: le grand standing de la sécurité
A- Présentation de l'ensemble
B- L'habitat résidentiel selon Monné-Decroix
C- Le statut de la zone de localisation des Portes du soleil
D- L'environnement de la résidence
E- Les prestations
F- La sécurité comme valeur première
G- Hypothèses de peuplement
H- L'offre d'équipements et de services de proximité
I- L' « Espandidous », l'appendice social de la résidence Monné Decroix
III- Le travail d'enquête: méthodologie, hypothèses et résultats
A- Mise en place des outils d'étude
1- Explication des méthodes d'enquête en articulation avec la problématique
2- Planification des tâches/Construction de l'enquête
3- Les outils de l'enquête
4- Analyse des données et conclusion de l'enquête
B- Dépouillement des questionnaires, mise en perspective des entretiens: Quels mode d'habiter pour l'ensemble résidentiel « Mas de Calenda?
1- Les indicateurs sociaux
2- Les stratégies résidentielles
2.1- Trajectoire résidentielle
2.2- Motivation du choix résidentiel
2.3- Le logement actuel
3- L'offre de service dans la résidences
4- Les relations avec les voisins et les habitants du quartier
5- L'implication dans les activités du quartier
6- Les services du quartier
7- La sécurité dans la résidence
C- Mise en perspective de l'outil d'entretien: « Les Portes du soleil »; Vivre en toute quiétude dans « l'enfer de la ville »?
1- Méthodologie
2- Portrait de la population
3- L'atmosphère de la résidence
4- Les relations entre voisins
5- Les services de la résidence et l'offre de sécurité
6- Les activités de la résidence/du quartier
7- Les équipements et services du quartier
Conclusion


Introduction générale

Aujourd'hui sur toutes les lèvres, dans tous les esprits, la question de la sécurisation des ensembles résidentiels n'est pourtant pas nouvelle et s'est développée en parallèle à l'histoire de l'urbain. Néanmoins, celle-ci s'incarne à travers diverses conceptions qu'elles aient attrait à la multiplication d'enclaves fermées en périurbain, véritables places fortes symboliques notamment du phénomène de repli communautaire, ou encore au renforcement des stratégies sécuritaires au coeur même de l'espace urbain avec ici une nouvelle approche concernant la dimension résidentielle. Au-delà d'une simple obsession sécuritaire des acteurs de la ville ou des populations, il est question d'une réelle remise en cause des modes de vie, de la perception des espaces et d'une mutation des rapports sociaux entre individus.
Cette nouvelle donne symbolisée par le terme de « Gated communities » se retrouve depuis les années 90 dans de nombreux écrits scientifiques et plus globalement dans les discours médiatiques. Trouvant ses origines dans les travaux de Blakely et Snyder, via l'ouvrage «Fortress America: gated communities in the United States» réalisé en 1997, ce concept a été porté à l'échelle internationale trouvant ses racines dans les différentes déclinaisons du processus constatées dans de nombreuses régions du monde. Témoin de cette universalité, la création, par l'allemand Glasze d'un réseau de recherche international sur les gated communities, atteste d'une volonté de construire l'effort commun entre les chercheurs en vue de comprendre les différentes facettes du phénomène. Témoins également de la rupture des approches qu'elles proviennent de la sphère scientifique ou médiatique, les spectateurs acquièrent souvent une vision faussée d'une société qu'ils pensent empreinte de violence, ce qui amène dans bien des cas à des répercussions sur les formes urbaines, ici le processus de fermeture des espaces résidentiels. Ces formes urbaines s'avèrent variables, offrant une large palette, car adaptées à l'espace colonisé. Dans ce contexte, il se révèle très difficile de définir précisément ces différents objets spatiaux d'autant que chacun de ceux-ci ont en quelque sorte une identité propre, construite sur l'histoire de leur ville d'accueil et sur l'évidente différence dans 'appréhension et l'organisation des espaces par les acteurs locaux de l'aménagement. De nombreux chercheurs ont déjà essayé d'appréhender ce processus pour la France depuis une dizaine d'années environ par le biais de nombreux ouvrages et articles traitant de leur expérience locale des ensembles fermés. Que se soient des sociologues ou encore des géographes comme François Madoré, Eric Charmes ou encore Hacène
Belmessous ayant quant à lui travaillé sur Toulouse, la ville mère du phénomène en France, tous ont essayé à travers des typologies ou des approches plus sociologiques d'expliquer ces nouveaux phénomènes d'agrégation potentiellement porteur du processus de sécession urbaine. À la lumière de ces différents travaux, mais aussi d'ouvrages plus anciens traitant notamment des questions d'agrégations et de ségrégations urbaines, comme les travaux du couple Haumont ainsi que l'emblématique Jacques Donzelot, il est apparu utile dans la construction de ce mémoire, d'appréhender la fermeture résidentielle selon une approche urbanistique en tant que géographe, mais également une approche plus sociologique en s'attachant à comprendre les modes de vie, les trajectoires résidentielles des individus résidants de ce type de bâti spécifique. Or, c'est en prenant connaissance de ces multiples travaux qu'il a été possible d'envisager la ville de Montpellier comme un terrain de recherche adéquate concernant les questions d'enclavement résidentiel. En effet, cette agglomération dynamique et polarisante du sud de la France semble présenter une conjoncture favorable à l'installation d'un bâti collectif sécurisé.
A travers ce mémoire il sera donc question de savoir comment ce phénomène s'est ancré dans l'agglomération montpelliéraine. Quelles conjonctures démographiques, politiques et immobilières entrent en jeu dans l'expansion de ce même phénomène? Cette forme urbaine induit-elle un mode d'habiter spécifique? Et enfin, la fermeture résidentielle renforce-t-elle les tensions entre habitants par le biais d'un décalage entre attentes et réalités de l'espace vécu?
Dans le but de comprendre les grands enjeux portés par ces formes d'habitat spécifiques,cette étude se construit autour de trois grands axes. Il est d'abord question d'envisager les grands concepts liés à la sécurité en traitant notamment de la genèse de ces concepts et des différentes utopies et représentations des sociétés. Puis, nous traiterons plus finement de la question du bâti sécurisé en cernant l'offre, la demande mais aussi la conjoncture globale pour la ville de Montpellier en établissant une typologie des ensembles résidentiels fermés. Enfin, dans le cadre d'une expérience de terrain, nous
essaierons d'appréhender la vie en résidence sécurisée par la construction d'une enquête concernant les trajectoires résidentielles, les relations de voisinage ou encore l'ancrage des habitants dans leur résidence et plus globalement l'espace vécu.

Conclusion générale

La ville rentre t-elle systématiquement dans un processus de fermeture? L'individu est-il désireux de toujours plus de frontières physiques le séparant de son voisin? Ou encore, y a-t-il réellement dans nos sociétés et ceci à l'échelle mondiale un engouement pour les matériaux sécuritaires qui pourrait découler d'une utopie commune : la ville saine? À travers ce travail de mémoire, nous nous sommes penchés sur ces grandes questions afin de comprendre la nouvelle façon pour les individus d'appréhender leur espace, ici l'espace de la ville, et les nouvelles formes urbaines conséquentes à ces changements. Ainsi, dans une première partie traitant des grands concepts attenants la sécurité, nous avons pu comprendre l'assimilation progressive de certaines représentations par la population via tout d'abord les grands acteurs de la criminologie, dont les idées ont constitué en quelque sorte l'héritage de l'urbanisme actuel. Nous avons de ce fait envisager les rouages de la pensée ayant permis d'aboutir à la mondialisation d'un concept : la sécurité du bâti. Ainsi s'est établi un véritable modèle universel par le jeu des représentations et la création d'un cercle de l'offre et de la demande. Cette première partie a pu également servir de trame à la suivante en définissant les origines du phénomène étudié et en permettant de comprendre les raisons possibles de son implantation dans le milieu urbain. Nous avons assimilé ainsi le développement de l'urbain via la création de nouvelles représentations sociétales basées sur la montée des violences urbaines et le besoin de plus en plus grand d'un repli communautaire. En ce sens, nous avons pu noter la multiplication des frontières physiques, sous la forme de matériaux sécuritaires, garantes du mythe de la ville saine. Il a donc été question d'envisager l'urbanisme comme le remède aux différents maux de la société en repensant l'ensemble de l'aménagement urbain afin de contrôler les flux ainsi que de prévoir les incivilités potentielles dans le cadre des concepts d'espace défendable ou de prévention situationnelle.
Sur cette base et dans un second temps, il a été question d'envisager ces concept au travers d'un terrain d'étude, ici Montpellier. Nous avons pu constater que cette ville offrait un cadre favorable à l'implantation des ensembles résidentiels fermés au vu de la forte demande en logements, facteur expliqué par la polarisation de la ville aussi bien au niveau régional qu'à l'échelle nationale. Ainsi, nous avons replacé Montpellier dans le contexte du déploiement préférentiel des enclaves résidentielles dans le sud de la France, porté par une conjoncture immobilière favorable au vu des possibilités d'extension de la ville dans l'espace ainsi qu'une forte demande locative. En établissant une brève typologie des ensembles clos, nous avons également constaté une certaine analogie entre le positionnement de ces résidences et la proximité des équipements de transport, faisant généralement de ces formes urbaines des espaces d'habitat bien desservis, situés généralement en périphérie de la ville-centre, collant donc au schéma classique de répartition des ensembles fermés dans les villes de province (référence: Madoré). Enfin, nous nous sommes rendus compte de l'importance du phénomène avec désormais une quasi systématisation du modèle à toutes les nouvelles constructions du bâti collectif montpelliérain, très significatif de la demande croissante en privatisation des espaces.
Dans le même ordre d'idées, nous avons constaté l'accueil plutôt favorable de la part des acteurs de la ville pour ces nouveaux modèles d'habitat que l'on a pu retrouver au sein même des zones d'aménagement concerté (ZAC), donc des grands projets de ville, parfois adaptés aux politiques de mixité sociale, mais justifiant néanmoins des approches de plus en plus sécuritaires des politiques d'aménagement. Enfin, dans la troisième partie de ce mémoire, il a fallu replacer les travaux, les observations réalisés en amont dans le contexte de la cellule d'habitat, ce qui a été possible via l'étude de deux ensembles résidentiels fermés bien distincts. En effet, nous avons abordé deux aspects à travers l'observation des espaces de vie du «Mas de Calenda» et des «Portes du Soleil », à savoir la confrontation entre les conceptions des politiques urbaines publiques et celles de la promotion immobilière privée. À travers l'observation de l'espace vécu de ces deux ensembles et avec en trame de fond l'hypothèse d'un renforcement des tensions entre résidents via la fermeture, nous avons observé une forte rupture dans les représentations concernant les attentes des habitants par rapport à leur résidence d'installation. Nous avons remarqué que la trop grande mixité, notamment dans l'ensemble Mas de Calenda, des classes sociales ou des classes d'âge, loin de favoriser le lien social, était porteuse de tensions pour des individus se retrouvant dans un même espace sans avoir pour autant les mêmes attentes en matière de qualité des services ou de règles de vie en commun. Il a donc été établi que les concepts de mixité et de fermeture étaient, une fois liés, porteurs de tension et qu'il était bon pour préserver un certain équilibre social d'établir une bonne gestion du lieu de vie et de favoriser le dialogue entre résidents et syndic via notamment la présence d'un médiateur, un régisseur permettant d'apaiser les tensions mais aussi par un investissement actif des résidents dans les activités de la communauté. Enfin, au-delà d'une recherche de sécurité, qui passe souvent au second plan finalement, nous avons observé que les individus étaient avant tout désireux d'un cadre de vie agréable, alliant esthétisme et bon fonctionnement des services. Car après tout, pour de nombreux résidents, la fermeture n'est pas une finalité mais un service offert parmi tant d'autres par ces résidences dîtes de « grand standing ». Entre pression locative et véritables attentes sécuritaires, un équilibre même précaire doit être trouvé afin d'atteindre le « mieux vivre ensemble ». Afin d'approfondir cette étude des ensembles résidentiels clos et dans la perspective de la deuxième année de Master recherche, il serait intéressant de développer une typologie plus précise de ce type de bâti pour la ville de Montpellier à l'aide d'outils de télédétection afin de comprendre les logiques de diffusion du phénomène. Par ailleurs, il faudrait également entreprendre une étude des résidences fermées édifiées dans la perspective d'un entre soi social sur le modèle des gated communities américaines, toujours sur la ville de Montpellier, afin de placer ces observations en parallèle à celles déjà effectuées ici pour pouvoir juger des variables relationnelles mais aussi des différents degrés d'ancrage des populations. Ainsi, nous pourrons envisager si oui ou non, il existe un modèle de fermeture résidentielle préférentiel à la création d'un lien fort entre les résidents d'un même ensemble collectif.